« On arrêta de jeunes catéchumènes : Révocatus et Félicité, sa compagne d'esclavage, Saturus et Secundulus ; parmi eux il y avait aussi Perpetue, de noble naissance, d'éducation libérale, qui avait rang de matrone par son mariage. Elle avait un père, une mère et deux frères, l'un également catéchumène, et un fils en bas âge, encore au sein. Elle avait environ vingt-deux ans. C'est elle qui, à partir d'ici, a fait elle-même le récit complet de son martyre, comme elle l'a laissé rédigé de sa main, et à sa propre idée.
(...)
Nous arrivâmes au forum ... Nous montâmes sur l'estrade. Interrogés, tous les autres confessèrent leur foi. On en vint alors à moi. Et mon père se montra sur le champ avec mon fils, me tira au bas des marches en disant : « Sacrifie, aie pitié de ton jeune enfant. » Et le procurateur Hilarianus ... me dit : « épargne les cheveux blancs de ton père, épargne ton enfant en bas âge. Offre le sacrifice pour le salut des empereurs ! » Et moi je répondis : « Non je ne le ferai pas. « Tu es chrétienne ? » me dit Hilarianus. Et moi je répondis : «Oui, je le suis ». (...) Alors le juge prononce notre sentence à tous et nous condamne aux bêtes ; et tout joyeux nous redescendîmes à la prison.
(...)
Ils quittèrent la prison pour se rendre à l'amphithéâtre, comme s'ils allaient au ciel, joyeux ... Perpétue marchait à leur suite, le visage lumineux ... comme une matrone unie au Christ ... Félicité allait de même, se réjouissant d'avoir accouché heureusement pour pouvoir combattre les bêtes, passant d' un bain de sang à un bain de sang, de la sage-femme au rétiaire, prête à se laver après son accouchement par un second baptême. Et comme on les forçait à revêtir un costume, pour les hommes celui des prêtres de Saturne, pour les femmes celui des prêtresses de Cérès, la noble Perpétue résista fermement jusqu'au bout ... Le tribun leur accorda d'être introduits simplement vêtus comme ils l'étaient. Perpétue chantait un hymne ... Revocatus, Saturnius et Saturus lançaient des messages à la foule des spectateurs ...
Par gestes et par signes de tête ils se mirent à s'adresser à Hilarianus (le procurateur) : « Pour nous c'est toi le juge ... mais pour toi c'est Dieu. » Cette attitude exaspéra la foule qui réclama qu'on les fît battre de verges devant un erangée de gladiateurs ; et naturellement les martyrs rendirent grâce de ce qu'ils avaient obtenu aussi de prendre part à la passion du Seigneur.
Chaque fois qu'ils parlaient entre eux de leur désir de martyre, Saturnius déclarait hautement qu'il voulait être exposé à toutes les bêtes afin de remporter la couronne la plus glorieuse. Aussi, alors qu'à l'ouverture du spectacle lui et Revocatus avaient été attaqués par un léopard, ils furent encore soumis sur l'échafaud à l'assaut d'un ours. Quant à Saturus, il n'avait aucune bête en horreur comme l'ours ; mais il avait confiance qu'il serait achevé d'une seule morsure de léopard. Aussi, comme il était offert en pâture à un sanglier, ce fut le chasseur attaché au sanglier qui fut transpercé par la bête ... Saturus fut seulement traîné. Et lorsqu'il fut lié sur le ponton pour être exposé à un ours, l'ours refusa de sortir de sa cage. Ainsi Saturus est ramené indemne pour la seconde fois. Pour les femmes, ce fut une vache des plus sauvages ... La première, Perpétue fut jetée à terre et elle tomba sur les reins. Et en s'asseyant, satunique a été déchirée sur le côté, elle en ramena le pan pour voiler sa cuisse, se souciant plu sde la pudeur de que de la douleur. Puis elle chercha une épingle et rattacha ses cheveux dénoués ; car il ne convenait pas à une martyre de subir sa passion les cheveux épars, our ne pas avoir l'air de mener le deuil au moment de sa gloire
(...) Saturus exhortait le soldat Pudens (...) : « Tu le vois bien, comme je l'ai prédit ... je n'ai jusqu'à présent senti l'attaque d'aucune bête fauve. Et maintenant, crois de tout ton coeur : voici que je m'avance dans l'arène et je vais être achevé d'une seule morsur de l »opard. » Et aussitôt, à la fin du spectacle, on lâcha un léopard et dès la première morsure il fut inondé d'un tel flot de sang que la foule, en le voyant revenir sur ses pas, témoigna par ses cris répétés de ce second baptême : « Bain salutaire, bain salutaire ». alors il dit au soldat Pudens : « Adieu, souviens-toi de la foi et de moi ; et que ces évènements ne te troublent pas mais t'affermissent... » (...) Ils se rendirent là où la foule voulait les voir, après s'être embrassés les uns les autres, afin de conclure leur martyre par le rite de la paix. Tous reçurent le coup de glaive immobiles et en silence. »
Passion de Perpétue et Félicité, vers 203
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